P.H.Valenciennes, Elémens de perspective pratique à l'usage des artistes, Paris, chez l'auteur, Desenne, Duprat, An VIII (1800)

Ne manquez pas de faire quelques études peintes de beaux arbres isolés ou en masse. Attachez-vous à tous les détails de l'écorce, de la mousse, des racine,s de l'embranchement, du lierre qui les entoure et qui leur est attaché; faites surtout de bons choix et étudiez la variété des bois, des écorces et du feuillage, ce qui est de la plus grande importance. Choisissez de belles touffes d'arbres qui vous présenteront de larges masses de clair-obscur.  Voyez comme les feuilles reviennent en clair sur une masse qui paroît noire. Ce sont là des études qu'il faut peindre d'après Nature pour saisir des vérités dont les Artistes ne s'occupent pas assez. Il est vrai que ces études ne forment pas des tableaux, mais on les garde dans le porte-feuille pour les consulter et en faire son profit dans l'occasion. 

Nous croyons nécessaire de vous prémunir contre la pratique de certains Artistes qui se servent de petites branches d'arbres et de pierres pour dessiner et peindre des arbres entiers ou de gros rochers. Ils croient faire d'après Nature, et certainement ils s'abusent: car plus ils copient cette Nature avec justesse, et plus ils ajoutent à la fausseté. la conformation d'une branche a tout autre caractère que la conformation de l'arbre entier. La contexture de son écorce est très-différente de celle du corps auquel elle appartient, et le moindre connoisseur ne sauroit s'y tromper; un botaniste , et même un jardinier un peu instruit sait, en la voyant, l'âge de cette branche, et la place qu'elle doit occuper sur l'arbre. 

On sait bien que Ruisdael, quoique très-habile homme, s'est souvent servi de ce moyen qui est très-commode, en ce qu'il dispense de sortir de son atelier pour aller consulter la Nature; mais aussi la plupart des arbres de ce maître, pour la partie du tronc et des branches , ne sont copiés que d'après des morceaux de bois qui se trouvent dans les fagots, et sont toujours disparates avec les figures , qui paroissent beaucoup trop petites, par la raison que les traits de ces morceaux de bois étant grossis outre mesure , et les figures étant en proportion des autres objets du tableau, il s'ensuit nécessairement un désaccord dont on ne peut se rendre compte au premier abord; mais dont on reconnoit la cause en examinant avec attention la structure et la contexture des arbres.